Rodéric Maubras

Coach d’équipe, vocation sociétale?

Portées par les enjeux des risques psychosociaux, les entreprises s’emparent peu à peu de la question du développement personnel de leurs collaborateurs. Les efforts réalisés pour améliorer la qualité de vie au travail ont pour ambition de modifier les représentations du travail, visant à faire de celui-ci une potentielle source de développement personnel.

Mais côté salariés, le travail est encore majoritairement vécu comme un mal nécessaire, qu’il faut subir si l’on veut payer ses factures à la fin du mois. Le manque d’intérêt, l’absence de sens, le sentiment d’inutilité, la pénibilité ou encore le fait de devoir passer 5 jours sur 7 avec des collègues que l’on n’a pas choisi, sont des éléments qui alimentent les représentations négatives du travail.

Les actions de team building illustrent bien l’existence de ce clivage entre la volonté des employeurs et le vécu des employés. Bien souvent ces opérations ludiques à vocation de cohésion agissent comme des amplificateurs d’ambiance : elles font passer un bon moment à des équipes qui s’entendent bien et elles exacerbent les tensions au sein des équipes qui ne s’entendent pas. Autrement dit, elle ne « build » par grande chose…

Face à cette quadrature du cercle donc, avec d’un côté des entreprises qui s’emploient à modifier les conditions de travail pour les rendre « moins RPS et plus QVT »,  et de l’autre des salariés résignés à une réalité quotidienne souvent éloignée de leurs idéaux, le coach d’équipe se voit confier une tâche parfois bien périlleuse.

Pourtant, de tous les consultants qui interviennent en entreprise, c’est probablement le mieux placé pour concilier ces dynamiques paradoxales. D’abord par sa posture neutre qui le fait travailler avec le système, tout en restant en dehors du système. Que le travail soit inévitablement sinistre pour les salariés ou assurément source d’épanouissement personnel selon l’employeur n’est assurément par son affaire. sa tâche consiste à créer une alliance suffisamment forte avec l’équipe pour que celle-ci accepte d’expérimenter de nouveaux fonctionnements collectifs, jusqu’à réaliser l’existence bien réelle de son propre pouvoir de transformation.

Ainsi ce ne sont ni les injonctions de l’entreprise, ni les incantations du coach qui modifient la représentation qu’une équipe se fait du travail, mais l’équipe elle-même.

L’objectif du coach d’équipe devra privilégier la qualité de son processus d’accompagnement plutôt que le résultat de son accompagnement. Il devra se centrer sur sa capacité à permettre à une équipe de faire Société. Quand l’équipe trouve d’elle-même la voie vers plus d’acceptation mutuelle, une meilleure utilisation des complémentarités, la substitution de mécanismes de compétitions égotiques visant à protéger des logiques individuelles par des mécanismes de coopération et d’entraide basés sur la complémentarité des forces et faiblesses individuelles, elle parvient à modifier les représentations négatives que ses membres se font du travail. Faire Société en équipe. Telle devrait être la principale vocation du coach d’équipe.

Rodéric Maubras

  • Psychologue, formateur et superviseur de coachs d’équipe
  • Fondateur de Team Intelligence
  • Auteur du livre « Coacher une équipe avec la psychologie sociale » (Eyrolles, 2020)

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